Tout au long de l’année, PAM met à jour sa playlist Pan African Rap en quête des nouvelles sonorités repoussant les limites du genre le plus écouté au monde. De la vague drill du Ghana au Kenya, des mix traditionnels de mbalax ou des mélodies captivantes de mahraganat, nous tentons de rassembler la sélection la plus large possible pour représenter ce qui se fait en termes de rap en Afrique. Notre playlist est mise à jour chaque semaine mais l’objectif de notre sélection Pan African Rap trimestrielle est de mettre en avant ce qui se fait de mieux en matière de rap et de visuels à travers le continent.
Tripa Gninnin – Gros Coeur
Côte d’Ivoire
Le rappeur ivoirien Tripa Gninnin continue d’imposer son style. Quand nous avons parlé de la nouvelle génération avec le parrain de la scène rap ivoirienne Didi B, ce dernier nous disait « Surveillez Tripa, mais on ne peut même plus le surveiller, c’est fini ». Il n’est plus le petit nouveau du coin, Tripa enchaîne les hits avec facilité. Avec sa dernière sortie, « Gros Coeur », produite par Young Nouchi. Trippa semble au sommet de son art avec ses flows conquérants, galopant toute bride lâchée sur le beat, à tel point que pour ceux qui ne parlent pas nouchi, c’est pas seulement dictionnaire qui manque, c’est ralentisseur (bon heureusement, Young Nouchi a mis les paroles dans les commentaires). En tout cas… Une performance de haute voltige pour ce son -façon nouchi de Yopougon- revenant aux sources de la trap, avec le classique triptyque de l’argent, des femmes et de la rue…
Meryl – Jack Sparrow
Martinique
La Maison Caviar nous sert « Jack Sparrow », le premier extrait d’un projet à venir pour la déjà grande Meryl. La rappeuse-chanteuse-productrice martiniquaise devrait faire son grand retour très prochainement, trois ans après l’excellent album « Jour Avant Caviar ». Pour patienter, elle livre un titre qui lui ressemble : créole, lumineux, et qui témoigne de son écriture maîtrisée. Cette trajectoire plus ensoleillée a fortement été influencée par sa collaboration avec DJ Natoxie, bien qu’ici la production soit signée Lijay et Lazy Flow. Le clip à l’esthétique léchée est quant à lui signé Cédric Richer, membre du collectif Panamaera et met en valeur les paysages oniriques de l’île aux fleurs. La rappeuse nous embarque sur son navire et emporte avec elle la culture martiniquaise pour sa toute première tournée en France à partir de mars 2023.
I.K – 269%
Comores
Le rappeur comorien, I.K aka TLF, Ikbal M’kouboi de son vrai nom rassemble les gros noms de la scène comorienne pour l’explosif hit « 269% » (269 comme l’indicatif téléphonique des Comores). Avec notamment Hoosligo, Djambsaid ou encore Aydii, ce sont sept minutes de rap où s’enchaînent les rappeurs comoriens les plus talentueux de leur génération. Car aux Comores, il n’y a pas que Cheikh MC et son twarap, mais toute une génération qui regarde elle plutôt vers les States et détonne dans la tranquille capitale qu’est Moroni. Une belle manière de découvrir la diversité des flows, et la musicalité de la langue shikomori. « Enfants des Comores élevés à l’eau de pluie. Les portes sont fermées, je dois les abattre » rappe I.K sur un sample du classique « Ouais Gros » du groupe de hip-hop français 113. Ces jeunes artistes honorent leur pays en déambulant à travers les rues de la capitale, et en agitant fièrement le drapeau comorien, le tout dans un clip signé par CINEAST. Une scène rap comorienne trop souvent oubliée mais grâce à l’équipe de PAM, vous n’aurez plus d’excuses pour la louper.
Karabilik beatz – Nouyo National
Sénégal
Le rappeur sénégalais Karabilik beatz s’associe avec Dip Doundou Guiss, Samba Peuzzi et Bilou XIV (autant de camarades du label Rep’Tyle) pour ce bop (NDLR hit), tiré de son album Général Kara et lancé en février 2023 à Dakar lors d’un méga concert. Écrit et produit par Karabilik beatz lui-même, le rappeur producteur brille dans ce titre, dont le clip soigné ne laisse rien au hasard : avec une chorégraphie signée par Simpetin, BM Boy & Young Lex Crew, on y voit les quatre rappeurs rouler à travers la ville en livrant des colis, dansant sur un beat recherché qui rappelle qu’au Sénégal, jongler avec les subtilités rythmiques n’a jamais été chose compliquée. Il y a dans ce titre un esprit qui rappelle le hip-hop des origines : quand flow, sape, danse et fun font le show.Le jeune rookie nous présente un rap qui s’éloigne du rap hardcore et en faveur d’une proposition musicale tournée vers des mélodies lumineuses. « Nouyo National » est d’ores et déjà le son de l’été.
MC Yallah
Ouganda
Née au Kenya mais élevée en Ouganda, Yalah Gaudencia Mbidde, plus connue sous le nom de MC Yallah n’est plus à présenter. Membre du collectif Nyege Nyege et visage de la scène rap est-africaine depuis 1999, ses performances live, qu’elles soient vécues directement ou à travers un écran, ont fait le tour d’internet grâce à sa redoutable énergie. Un flow rapide et tranchant, une exécution maîtrisée et un refrain entêtant, avec « Sikwebela », MC Yallah démontre une fois de plus l’immensité de son talent. Sur une production du beatmaker berlinois Debmaster, « Sikwebela » est le premier extrait du très attendu YALLAH BEIBE qui sortira le 14 avril.Elle alterne les punchlines explosives en passant par le luganda, le luo, le kiswahili et l’anglais avec une facilité déconcertante. En termes de rap africain et de rap international, personne ne ressemble à MC Yallah.
Odumodublvck – Declan Rice
Nigéria
Odumodublvck, membre du collectif rap Anti World Gangstars est dans le paysage rap depuis plusieurs années maintenant. Après sa récente signature au sein du label Native Records, il sort le déjà viral « Declan Rice », une référence au footballeur anglais du West Ham. Le morceau s’éloigne des sonorités grime et drill auxquelles nous avait habitué le rappeur né à Lagos. Une atmosphère plus douce et un clip décalé dans la lignée du morceau « Picanto » un featuring avec Ecko Miles et Zlatan sorti en 2022. Ce qui est certain, c’est qu’avec cette ascension fulgurante, « Declan Rice » s’impose comme un hit et Odumodublvck promet une ascension fulgurante.
Thiird – Fogo
Guinée
On vous prévient, le gimmick « Koukou Kourou Koukou » risque de vous rester en tête. Avec le titre « Fogo », le drilleur venu de Guinée nommé Thiird monte encore en puissance. Très remarqué depuis ses débuts dans le groupe Gnamakalah, le natif de Conakry a su développer sa propre fanbase. Désormais, il crée l’attente en vue de son projet solo NMI KHAKHILI, sur lequel est déjà invité le Shogun ivoirien Didi B. « Fogo » en est un bel aperçu : de son instrumentale sombre à ses lyrics incisives, le titre est l’une des meilleures performances de cet enfant de Conakry.
Abo El Anwar – GG
Egypte
Jeux vidéos, réalité virtuelle et battle royal (jeux de combats où il ne reste qu’un survivant) sont à l’honneur pour cette collaboration entre Abo El-Anwar, Ahmed Santa et LilBaba. Les compatriotes égyptiens se réunissent et concoctent le morceau « GG » dans le cadre de l’Insomnie Gaming Festival. « GG » qui est l’abréviation de « good game », fait référence aux termes employés par les gamers à la fin d’une partie. C’est ainsi le jeu qui est mis en avant, mais aussi le Maroc qui a brillé à la suite de la Coupe du Monde 2022. Le tout ponctué par un beat aux influences Jersey, remis au goût du jour par des hits comme «Just Wanna Rock» de Lil Uzi Vert ou encore « Vibe » de Cookie Kawaï. Mais ses mélodies évoquent aussi la scène électro-mahraganat qui commence à gagner du terrain au Caire. Des visuels du clip, en passant par les prod entraînantes jusqu’au featuring qui matche à la perfection… une puissante démonstration d’un univers créatif en pleine expansion.
TIF – Shadow Boxing
Algérie/ France
Il y a quelques semaines, PAM rencontrait le rappeur Tif juste avant la sortie de sa première mixtape. Originaire d’Algérie, il est l’une des têtes d’affiches de la nouvelle scène rap du Maghreb, porté par des prodiges tels que son acolyte, le marocain Khalil. Avec la sortie de 1.6 – une suite très attendue après sa performance de haut vol sur Houma Sweet Houma en 2022 -, Tif dévoile encore de nouvelles facettes de son univers à la fois rap et mélodieux, entre bases hip-hop et influences orientales. Le troisième single du projet, intitulé « Shadow Boxing », utilise la recette à la perfection, sur un titre rappé en français. « Je suis conscient qu’il y a pas mal de monde qui ne comprend pas ce que je dis en Algérie parce que je rappe en français et que j’utilise pas mal de verlan et d’argot mais je pense qu’avec un morceau comme “Shadow Boxing” on va toucher plus de monde. Il y a les drums qui rappellent le style reggada et cette rythmique très chants des stades ici encore. » Dans le visuel réalisé par Tif et Younes, l’artiste combat ses démons (« Je combats mes démons, c’est pas du shadow boxing ») dans un open-space pris par la folie … ou la révolte.
Séketxe – Tropa Da Mayka
Angola
Les rappeurs du groupe SÉKÉTXE ont parmi les voix les plus graveleuses et énergiques du rap afro actuel. Ce dernier single, “TROPA DA MAYKA” en featuring avec RASGADO et MURTALAH le confirme. Mené par le leader Talhuda et ses captivantes performances, on trouve peu d’informations sur SÉKÉTXE en ligne. Mais il suffit de jeter un oeil à leurs singles et clips antérieurs comme “FAZ UM CORO” ou “BOLOCO” pour ressentir l’univers ghetto et hardcore que le groupe a installé. Originellement tourné vers le kuduro, leur nouveau style qu’ils nomment « RAP CIA » est un puissant mélange de punchlines et de beats qui reflète l’expérience des ghettos de Luanda. Les six membres du crew se considèrent comme « les ambassadeurs des peuples opprimés qui cherchent une motivation pour vivre ». SÉKÉTXE, en tout cas, a trouvé le rap.
Kofi Mole – Win
Ghana
Le rappeur ghanéen Kofi Mole se démarque et nous laisse entrevoir un univers d’influences avec « Win ». Entre trap dynamique et highlife planante, entre anglais et twi, l’artiste trouve son équilibre dans la polyvalence. Un son qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère de Slime Language, ce qui n’est pas étonnant quand on connaît l’impact qu’a eu Young Thug sur Kofi Mole. Ce hit est aussi une nouvelle occasion pour profiter de l’alchimie de Kofi avec le rappeur Kwesi Arthur, leur collaboration sur le titre « Nirvana » avait déjà été un succès. « Win » n’est pas en reste et cumulait 75 000 vues en seulement 5 jours. Dans une interview avec PAM pour son dernier album Kofi disait « J’essaye autant que possible d’être différent tout le temps. j’expérimente de nouvelles choses. Je ne me limite pas à un style particulier ». Une ouverture musicale qui participe assurément à le mettre en valeur au Ghana et internationalement.
Une sélection à retrouver dans notre playlist Pan African Rap.